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>>La communauté juive dans notre région avant la guerre

22 mai 2012
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- La communauté juive en France s’étoffe au 19ème siècle et au début du 20ème siècle

En 1866, la France compte 90000 Juifs (soit environ le double de ce qu’ils représentaient au début du siècle) dont 36 000 en Alsace. Mais en 1871, avec le traité de Francfort, la France perd l’Alsace et une partie de la Lorraine, et c’est une catastrophe pour le judaïsme français : en 1872 il n’y a plus que 49 000 juifs en France. Cependant, beaucoup de juifs d’Alsace-Lorraine attachés aux libertés acquises après la Révolution et aux droits accordés de ce côté du Rhin quittent l’Alsace et la Lorraine allemandes et émigrent vers la France. Malgré l’antisémitisme qui se développe en France, celle-ci reste très attractive pour les juifs d’Europe centrale et orientale toujours victimes de persécutions et de discriminations dans leurs pays. Depuis les années 1880, une vague d’immigrants juifs fuyant les pogroms d’Europe de l’Est arrive ainsi en France. Les nationalités et les statuts des migrants juifs étaient très différents. Entre les deux guerres, par rapport au pourcentage total du nombre d’immigrés juifs, nous remarquons que 34% de juifs étaient de nationalité polonaise, 19 % de nationalité allemande et 10% venus de l’Orient. Ensuite, des chiffres plus minoritaires comme ceux venus de Roumanie qui représentent 5% ou encore ceux de nationalité hongroise avec 3%. Les juifs venant de plein de pays différents la population juive est donc très variée et c’est pour cela que Jean Estèbe parlera de « mosaïque ». La population juive immigrée s’élevait ainsi à plus de 205 000 personnes, soit le double du nombre de juifs français de l’époque, qui était de 100 000. Cet effectif fut le résultat de quatre vagues d’immigration massives : la première a eu lieu au début du XXème siècle avec 30 000 juifs. Les trois autres vagues d’immigration ont eu lieu entre les deux guerres : une en 1919-1920, une autre en 1933, et enfin la dernière en 1938-1939. Durant ces trois vagues, la France accueillit plus de 175 000 juifs. Mais un grand nombre d’immigrés considéraient la France comme un pays provisoire dans l’attente de gagner les États-Unis pour la plupart. Dans notre région, plus précisément à Toulouse, c’est à la fin du XIXème siècle que les juifs venus de Turquie, de Russie ou encore de Roumanie d’y installent. On estime environ 1000 à 1500 juifs dans la ville toulousaine ce qui représente une infime partie. En 1930, une vague d’étudiants polonais arrivent dans Toulouse.

- Les causes de leur migration

Les juifs qui arrivent de Russie à la fin du XIXème siècle fuient les pogroms organisés après l’assassinat du tsar Alexandre II en 1881. Après la première guerre mondiale, la poussée des mouvements extrémistes en Europe centrale et les persécutions raciales sont à l’origine des exodes des juifs polonais, roumains et hongrois. En Allemagne et en Autriche, la législation antisémite, et les persécutions instaurées après la prise de pouvoir par Hitler, ont pour conséquence une émigration massive des juifs. Si la plupart des juifs quittaient leur pays d’origine en raison de persécutions et de l’antisémitisme très présent, certains partaient pour des raisons religieuses ou économiques. Soit la religion dominante de leur pays natal n’était celle qu’ils pratiquaient, soit leur revenu ne suffisait plus à subvenir à leur besoin ; ce qui les amenait à migrer pour chercher par exemple un travail. Les juifs immigrés choisissaient la France en raison de son image de terre de leur liberté.

- Une installation pas toujours aisée à Toulouse

Dès 1897, des manifestations antisémites qualifiées de violentes sont présentes dans la ville de Toulouse. Et plus tard, vers la fin du XIXème siècle, les toulousains montrent massivement leur intérêt pour l’affaire Dreyfus avec une agitation des antisémites qui se propage de plus en plus. Du côté des juifs, une association qui regroupe tous les étudiants juifs français a été fondée et une section est présente à Toulouse. Ce groupe est étroitement surveillé par la police. Pour la vie courante, le manque de rabbin conduit les familles à s’adresser au ministre afin qu’il prépare les jeunes juifs à la bar mitsva, en leur enseignant l’hébreu et l’histoire juive. C’en est de même pour les personnes qui pratiquaient la circoncision : jusque dans les années 30, les juifs devaient faire appel à ceux de Paris. De plus, la population n’étant pas assez dense pour obtenir l’ouverture d’une boucherie cachée dans la ville, les familles pratiquantes possédant un revenu suffisant, devaient se faire fournir la viande depuis Bordeaux ; tandis que les autres, devaient se passer de viandes.

- Portrait d’Alfred Nakache dit "Artem" ( 1915-1983)

Alfred Nakache est né le 18 novembre 1915 à Constantine en Algérie française. C’est le cadet d’une famille juive de onze enfants. Dans son enfance il a souffert d’une peur de l’eau qu’il parvint à surmonter petit à petit en grandissant. Puis quelques années plus tard, paradoxalement, une passion pour la natation s’est déclarée en lui et il remporta en 1931 sa première course : la coupe de noël de Constantine. Il est alors licencié à la jeunesse nautique où il y resta jusqu’en 1934. Dans ce club, il fait d’énormes progrès qui lui permettent d’avoir de bons résultats dans les compétitions locales et de pouvoir participer au championnat de France en 1933. En 1934, il termine second de cette même compétition au 100 mètre nage libre. Il décide donc de déménager à Paris. Suite à sa très bonne performance au championnat de France, il est sélectionné en équipe de France pour une rencontre junior contre les Pays-Bas. Mais il n’a pas pu participer au championnat d’Europe cette année là, car il n’est pas éligible en tant que français né hors du "sol français" et de plus, il n’est pas encore licencié dans un club de France. Malgré tout, il participe à l’équipe du tour de France nautique. Puis, au cours de l’année 1934, il est licencié au Racing club de France et s’inscrit au lycée Jason-de-Sailly. Lors de l’été 1936 il participe aux rencontres préparatoires des jeux olympiques et bas le record d’Europe du relais 4 x 200 mètres en (9’22’’ et 6/10) avec Jean Taris, René Cavalero et Diener dans cette même année. Il participe aussi, grâce à cette précédente performance, en relais aux jeux olympiques d’été de 1936 organisés à Berlin. Mais dans un contexte particulier pour cet athlète français juif, il réussit une bonne performance en terminant quatrième avec le relais 4 x 200 mètres nage libre avec Jean Taris, René Cavlero et Christian Talli devant l’Allemagne. En 1937 il change de club de natation car il y aurait reçu des injures racistes et antisémites de la part d’autres licenciés et s’inscrit au club de natation de Paris où il y restera jusqu’en 1938. Durant cette période, il effectua son service militaire à la base aérienne 117 de Paris. Suite à de brillantes études qu’il mena en parallèle de la natation, il réussit en 1939 l’examen pour devenir professeur d’éducation physique. Ensuite il intègre l’école normale supérieure d’éducation physique, qui deviendra plus tard l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance comme sa femme Paule (née El Bèze), également juive, avec qui il s’est marié le 6 octobre 1993. Alfred Nakache, en tant que juif d’origine algérienne est déchu de sa nationalité française dès le début de l’occupation, lors de l’arrivée au pouvoir de Philipe Pétin à Vichy, après l’invasion de la partie nord de la France par les Allemands. Professeur et juif comme sa femme, ne pouvant plus exercer leur métier, ils décident de partir en zone libre avec leur fille et s’installent à Toulouse en zone libre. Dans cette ville, il est licencié aux dauphins du TOEC. De 1940 à 1942, il se rapprocha des réseaux de résistances juifs de la région comme l’armée juive, qu’il intègre et où son rôle est de préparer physiquement les nouvelles recrues de ces réseaux. En 1942, il gagne cinq titres de champion de France au 200 mètres brasse, relais 4 x 200 mètres nage libre, et aux 100 mètres, 200 mètres et 400 mètres nage libre. Suite a cette réussite lors de ces championnat de France il devient l’un des nageur les plus titrés du pays. Il est finalement interdit de bassin par la suite à cause de sa religion. Puis en novembre 1943, il est arrêté et déporté à Auschwitz par le convoi n°66 du 20 janvier 1944 après un passage à la prison de Drancy. Séparé de sa femme et de sa fille, il ignore leur sort et n’apprendra que plus tard leur mort dans les camps d’extermination. Dans ce camp, il y était avec Noah Klieger, bon nageur qui fut déporté lui aussi et avec qui il réussit un coup incroyable : aligner quelques longueurs, chaque dimanche dans les réservoirs d’eau du camp. Lors de sa sortie de ces dix-huit mois de calvaire, l’athlète qui faisait 85 kilogrammes ne pèse plus que 42 kg. En 1945, après la libération des camps de la mort par les russes, il retrouve Toulouse et ses amis du TOEC ainsi que la famille d’Alex Jany, un autre grand champion de la natation qui le recueille. Passionné de sport, il reprend très vite l’entraînement et fait un régime alimentaire spécial pour reprendre du poids sans trop fatiguer son organisme. En un peu plus d’un trimestre grâce notamment à sa rage de vaincre, à sa continuité de l’effort, ainsi qu’à des dons athlétiques bien supérieurs à la moyenne, il retrouve une forme exceptionnelle qui, dès le mois d’août 1945 lui permet de remporter trois titres de champion de France (200 mètres brasse, 4 fois 200 mètres, 3 fois 100 mètres). Il intègre aussi l’équipe de France de water-polo cette même année. En 1946, il prend part du record du monde 3 x 100 mètres nage en compagnie de ses coéquipiers Alex Janvy et Georges Vallerey. Cette même équipe, à laquelle vient s’incorporer Bozon, battra aussi le record du monde du relais 4 fois 100 mètres 4 nages. Alfred Nakache, deviendra aussi lors des championnat de France 1946, pour la première fois de sa carrière, champion de France du 200 mètres brasse et il bat un nouveau record du monde du 3 fois 100 mètres 3 nages par équipe avec Alex Jany et Georges Vallerey. Lors de ces mêmes championnats, il sera médaillé sur le 200 mètres brasse en 1947 et 1948. De plus il participa aux jeux olympique de Londres en 1948 en tant que nageur et membre de l’équipe de France de water polo. Ces jeux marquent la fin de sa carrière. Il exerce à nouveau la profession de professeur d’éducation physique à la faculté de droit de Toulouse. Dans les années 50, il se remarie et participe en plus de son activité professionnelle à l’entrainement de Jean Boiteux. En 1972, Alfred quitte la métropole pour aller vivre à la Réunion avec sa femme Marie. Il exerce son métier à l’université et y créé un club de natation dans le but de donner une impulsion à ce sport dans les départements d’outre-mer qui avaient de très bons nageurs. En 1976, il prend sa retraite et se retire au bord de la Méditerranée qu’il aimait énormément se partageant entre Sète et Cerbère. Le 4 août 1983, alors qu’il nage son kilomètre quotidien dans la baie de Cerbère, il meurt à 68 ans d’une crise cardiaque. En 1993, l’état d’Israël lui décerne à titre posthume le Trophée de Grand exemple, au Musée du sport juif international. Ce sportif au palmarès impressionnant reste l’un des nageurs les plus titrés de l’histoire de la natation française avec 15 titres de champion de France, 9 records de France, 3 records d’Europe et un record du monde. Sa personnalité hors du commun, sa détermination et sa joie de vivre, lui ont permis de réaliser une époustouflante carrière d’athlète et de survivre à l’horreur d’Auschwitz.

- Bibliographie De Colette Zytnicki, Les Juifs à Toulouse de 1945 à 1970 : une communauté toujours recommencée. De Jean Estèbe, Les juifs de Toulouse et du Midi-Toulousain sous Vichy. De Elérika Leroy, Toulouse, mémoire de rues.


 

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