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>>La collaboration dans la région Midi-Pyrénées

15 mai 2012
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La collaboration s’amorce dès 1940, avec la signature de l’armistice par le Maréchal Pétain en juin. On désigne par collaboration le fait de coopérer avec l’occupant ennemi. Mais cette collaboration a pris différentes formes : les collaborationnistes sont ainsi d’idéologie fasciste et prônent la collaboration politique, et la majorité des collaborateurs ont réalisé ce que les historiens appellent « une collaboration quotidienne », sans aller jusqu’à la collaboration politique. Avec la rencontre de Montoire de Pétain avec Hitler en octobre 1940, la collaboration d’état est mise en place et encouragée pour tous les civils. Ainsi, nous pouvons nous interroger sur les origines et les formes prises par la collaboration dans la région entre 1939 et 1945.

I - De la collaboration des civils de Midi-Pyrénées ...

1) Des origines multiples

La collaboration en Midi-Pyrénées est liée à plusieurs facteurs. Ainsi, une des origines principale de la collaboration des civils midi-pyrénéens et de la France entière est la forte propagande exercée par le régime de Vichy menée par le Maréchal Pétain. De nombreuses affiches appellent en effet la population à suivre la collaboration afin d’éradiquer "L’ennemi juif" . Elles s’en prennent également aux communistes, aux homosexuels ou aux handicapés. La propagande est marquée par un fort populisme qui exacerbe les réactions de rejet à l’égard des minorités et des élites, comme " les capitalistes oppresseurs », ou "le joug des juifs et des franc-maçons". De plus, la création de la milice le 30 janvier 1943 par le gouvernement de Vichy participe à l’incitation à la collaboration. Les miliciens incitent les français à collaborer en distribuant des tracts et en faisant des défilés. En outre la milice constitue en elle-même, un mouvement de collaboration actif et dangereux qui participe largement à la répression des différentes formes de résistance. Ainsi, on assiste dans le Gers à la création progressive de la milice départementale, qui ne fait, en fin de compte, qu’encadrer les partisans les plus fervents de la « Révolution Nationale » proposée par Pétain. Les miliciens reçoivent obligatoirement une formation politique générale et concourent au maintien de l’ordre intérieur ; il se déclarent en outre prêts à une collaboration militaire totale avec le corps allemand. Leur action de collaboration est faite, au début, de propagande sous forme de diffusion de tracts ainsi que du journal Combats. La collaboration repose également sur un climat d’antisémitisme latent à Toulouse comme ailleurs en France avant la guerre. Ce rejet est exacerbé par la politique antisémite d’état dès 1940 avec le premier statut des Juifs et amplifié en 1941 avec le second statut des Juifs et la création d’un Commissariat général aux questions juives. Ainsi, bien qu’il ne soit pas à caractère violent, cet antisémitisme consiste principalement en la diffusion des stéréotypes classiques par les journaux locaux. Mais l’attitude de la presse écrite n’est pas uniforme : si la Dépêche du Midi publie des articles indignés face aux actions antisémites en Allemagne à la fin des années 1940, on recense en revanche près de 70 articles anti-juifs dans l’Express du midi entre 1918 et 1938. Ainsi, les origines de la collaboration dans la région Midi-Pyrénées sont multiples et d’importance variable. Si la propagande est un fait majeur de l’incitation à la collaboration, les actions de la milice restent réprouvées par la population. Mais quels sont dans ces conditions les effets de l’incitation à la collaboration ? A quel point les civils s’engagent-ils dans la collaboration ?

2) Des degrés d’engagement variés dans la collaboration Les degrés d’engagement dans la collaboration, facilitée par une population majoritairement attentiste, restent très divers. Ainsi, d’un point de vue local, elle commence par l’entretien de bonnes relations, voire de relations amoureuses avec des membres des forces allemandes qui seront réprimées à la libération. De plus, la dénonciation de voisins aidant les résistants ou de résistants eux-mêmes, par des lettres anonymes envoyées à la police ou la Gestapo, fut un mode de collaboration important avec près de cinq millions de lettres entre 1940 et 1945 en France. Dans le Gers, elle était recueillie par la FeldGendarmerie.

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Le siège de la feldgendarmerie à Auch

Celle-ci installée à Auch à l’Hôtel de France, relaie l’action de la Gestapo basée régionalement à Toulouse. La Milice, créée en 1943, est le reflet de ce qu’on appelle le collaborationnisme. Elle était la manifestation d’une adhésion à l’idéologie fasciste. Elle a fait passer les partisans de la "Révolution Nationale" de Pétain du côté des Allemands dans le combat contre la Résistance. Elle prend sa source dans le Service d’Ordre Légionnaire (SOL) dès l’année 1942, regroupant des anciens combattants et des collaborateurs de tous ordres. La Milice départementale est ainsi créée dans le Gers le 28 février 1943, au théâtre municipal d’Auch, à partir des 150 SOL présents. L’événement est marqué par un défilé en ville au rythme de l’hymne de la Milice. C’est le Docteur Sailhan qui la dirige au niveau départemental à partir de décembre 43. Mais l’accueil des habitants n’est pas très chaud. Aussi la Milice peine t-elle à recruter des adeptes, au total 376 dont 21 femmes entre 1939 et 1945 dans le Gers. Les Miliciens n’étaient cependant pas tous rompus à la discipline militaire ; la majorité continuait à vaquer à ses occupations quotidiennes mais participait à la propagande en exprimant ouvertement ses opinions, en recrutant, tenant des conférences, dénonçant des résistants. A Toulouse, des antennes d’organismes de Collaboration souhaités par Vichy s’installent, tels que Parti Populaire Français (PPF) ou la Légion des Volontaires Français d’audience limitée, qui participent à la propagande. Les membres de la LVF s’engagent ainsi deux semaines après le début de l’opération Barbarossa en juillet 1945, aux côtés de la Wehrmacht sur le front de l’Est au nom de la lutte contre le bolchévisme. Ainsi, à la suite de l’attentat à la bombe à Toulouse au cinéma des Variétés, un tract est diffusé : « le Juif, seul et véritable responsable de ce crime ». A la suite de cela sera inaugurée une exposition « le Bolchévisme contre l’Europe » par Henriot en personne, secrétaire d’État à l’information et à la propagande, glorifiant l’action de la Milice Toulousaine. Au début de la période Vichiste, l’engagement de la milice dans les combats reste limité. Les allemands ne concédèrent aux aux miliciens que de simples matraques, il convient cependant de noter certaines actions d’ampleur. En effet, la Milice Toulousaine a mené des expéditions punitives. C’est ce qu’elle fait au détriment du restaurant « La Reine Pédauque » situé rue d’Austerlitz, accusé de profiter du marché noir. L’affaire se solde par un saccage de l’endroit. Les allemands envoient leur félicitations. Ces actions se durcissent par la suite, notamment dès 1943 : le chef de la Milice toulousaine, Lacomme, décide, face aux meurtres perpétrés par la Résistance, que pour « un milicien tué, dix communistes seront abattus ». En 1944, la Milice participe aux côtés des SS aux actions arbitraires de pillage, de saccage et aux exécutions, voire aux opérations contre les Résistants dans les maquis. Après la Guerre, ce seront 509 collaborateurs qui seront condamnés dont 157 à la peine capitale, en majorité d’anciens miliciens. Ainsi, les degrés d’engagement dans la collaboration sont très différents : cela peut aller de la délation à l’engagement armé dans la milice aux côtés des officiers allemands dans le combat contre la Résistance et les Juifs. Mais si la collaboration individuelle était encouragée, n’était-elle pas rendue possible par une collaboration des institutions ?

II - ... à la collaboration d’état mise en oeuvre à l’échelle régionale

1) Une l’influence de l’état sur les institutions ...

La ville de Toulouse, avant la Guerre, était considérée comme "rouge" puisque le conseil municipal élu en 1935 était majoritairement socialiste SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière). Cependant, au début de la guerre, cette majorité comme ailleurs en France (40 millions de Pétainistes selon l’Historien Henry Amouroux), était largement favorable au nouveau régime initié par Pétain : le maire de l’époque, Gabriel Ellen-Prévost, se rend à Vichy le 2 juillet 1940 où il est reçu par Pétain et son ministre de l’Intérieur, Marquet. Ce dernier promet le maintien de la municipalité, à condition du vote d’une motion de soutien en séance de conseil municipal. Mais le remaniement ministériel du 7 septembre 1940 voit le remplacement de Marquet par Peyrouton, successeur qui oubliera la promesse faite au maire toulousain et qui suspendra le conseil municipal. Une délégation spéciale de sept personnes, présidée par Maître Gérard Haon sera habilitée à prendre les décisions au nom conseil municipal, sans que l’opinion publique ne s’en préoccupe. Cela a permis l’instauration d’une propagande importante en faveur de la collaboration. Ainsi, en janvier 1943, l’Abbé Sorel, conseiller national, entreprend dans le département du Gers de nombreuses conférences intitulées "Vérités et réalités françaises", dont les affiches sont placardées de la mention "A désinfecter" par les résistants locaux. C’est ensuite au tour de Philippe Henriot en août de la même année qui vient soutenir l’engagement dans la Légion. Cette propagande favorise le conditionnement des élus des diverses institutions, pour mieux les contrôler et entraîner des politiques collaborationnistes.

2) ... qui entraîne des politiques collaborationnistes

Le conditionnement des institutions pour la collaboration entraîne des politiques collaborationnistes. Ainsi, la ville de Toulouse, dirigée dès 1940 par des fonctionnaires du régime de Vichy, ordonne à ses services de collaborer pleinement. Le théâtre municipal du Capitole est ainsi contrôlé, la mairie interdit une comédie lyrique, d’Artagnan, œuvre d’un compositeur juif dont la représentation n’était pas « opportune ». De plus, en juillet 1941 s’installe à Toulouse l’antenne régionale du commissariat général aux questions juives au 3 rue d’Alsace-Lorraine : la politique antisémite nationale dispose d’un relais local qui est chargé d’appliquer le second statut des Juifs daté du 2 juin 1941, qui précise et développe le premier. Le délégué régional, Lécussan, est donc chargé de rechercher les Juifs, peu nombreux dans la région, qui exercent des responsabilités dans les hautes fonctions, au début dans la Banque et la Bourse. Ce dernier est aidé par les services de la municipalité : le service des Agents de change de Toulouse lui envoie en effet le 15 novembre 1941 la liste de trois Juifs ayant accès à la bourse. Il cherche également à éliminer « l’influence juive du cinéma », par conséquent monsieur D., principal distributeur de films à Toulouse est par la suite limogé, de même que certains fonctionnaires dans les administrations. De plus, dès août 1941 se terminent les opérations de recensement initiées par les Allemands quelques mois plus tôt. Les maires sont chargés de l’exécution de ce recensement. Mais l’organisation est un échec et les résultats sont inutilisables dans les premiers mois : en effet, faute de directive précise sur la transmission et le rôle des collectivités, les résultats sont conservés dans les départements sans jamais être fournis au commissariat général aux questions juives, volontairement ou pas : le préfet des Hautes-Pyrénées a par exemple toujours refusé de transmettre ces informations, prétextant un manque de personnel. Ces dernières arrivent à la délégation Toulousaine en mars 1942. Mais la police aux questions juives est incompétente et ne parvient pas à utiliser les registres correctement, confondant les Juifs déclarés et les Juifs internés dans les camps. Cette pagaille a assuré un certain répit aux Juifs de la région. Mais dès ce printemps 1942, la politique antisémite s’accroît fortement et les déportations commencent grâce aux informations fournies tardivement sur les populations juives : le commissariat général et sa police sont débordés de travail et doivent poursuivre les Juifs qui se cachent ; leur travail change alors de nature : bien que connaissant toutes les informations sur les personnes qu’il recherchent, ils ne savent pas où chercher. Le commissariat général aux questions juives est donc un élément central de la collaborations dans la région. Les préfets de régions étaient les dépositaires de la répression organisée par Vichy. Ainsi, bien que le commissariat général fut l’instrument de cette répression antisémite, ces préfets seuls disposaient du droit d’internement et d’assignation à résidence. Ils suivirent en majorité les directives de Vichy. A Toulouse, Cheneaux de Leyritz, homme charismatique et imposant nommé sous la IIIème république, organisa une vive répression, usant sans remord du système permis par Vichy, enfermant tous les opposants, notamment les gaullistes. Il convient cependant de noter que les fonctionnaires des préfectures de la région étaient majoritairement attentistes, ni antisémites, ni viscéralement opposés à Vichy. Ils suivaient les ordres, assurant la continuité de l’État, continuant d’assurer avec respect l’accueil des personnes juives. Dans le préfectures, les plus courageux produisaient de faux papiers. Certains prévenaient les populations juives de rafles à venir : plusieurs rapports préfectoraux dénoncent les « trop nombreuses fuites ». Enfin, la police connaît une extension prodigieuse avec le régime de Vichy. Ce dernier crée la « Police d’état » qui regroupe tous les corps de police en avril 1941. Certains corps de police sont utilisés dans les actions contre les Juifs : c’est ainsi que les GMR (Groupes mobiles de réserve, anciens CRS), considérés comme des unités d’élites, sont voués aux opérations contre la Résistance et les Juifs. Toulouse est le siège de trois unités de GMR, dont l’une était dévolue à la surveillance des trains de déportés. Ces fonctionnaires étaient tantôt décrits comme inhumains et impassibles, tantôt comme des sauveurs, notamment en milieu rural où ils n’étaient pas soumis à une autorité rigide et pouvaient parfois venir en aide aux populations. Ainsi, les institutions, modifiées et conditionnées par le régime de Vichy, ont été les instruments de la politique collaborationniste et en particulier antisémite.

La collaboration dans la région Midi-Pyrénées a donc connu de multiples formes et a pris sa source dans des causes diverses. En effet, si la collaboration des civils est minoritaire et souvent vue d’un mauvais œil, le régime a tenté de multiples incitations à la collaboration, qu’il s’agisse de la propagande, de la Milice ou des affiches et tracts du commissariat aux questions Juives. Les populations civiles avaient une plus grande propension à venir en aide aux populations juives et aux résistants, bien qu’elle fut majoritairement attentiste. Mais la collaboration a gangrené les institutions, modifiées par Vichy et dont les dirigeants ont été remplacés par des partisans du régime, comme ce fut le cas pour la mairie de Toulouse. Elles étaient en effet au cœur du système répressif de Vichy, notamment les préfets de région qui donnaient leurs prérogatives aux antennes régionales du commissariat aux questions juives. Bien que la majorité ait appliqué la politique de Vichy avec plus ou moins de zèle, certains fonctionnaires n’hésitèrent pas à venir en aide aux personnes persécutées et notamment les Juifs. Il est cependant impossible de dresser un bilan chiffré de la collaboration, qu’ils s’agisse du nombre de collaborateurs et de son impact sur les arrestations et les déportations : nous pouvons cependant conclure que la collaboration, tout comme la Résistance, est restée un phénomène limité au sein d’une population majoritairement attentiste, et qu’elle a engagé les collaborationnistes à des degrés divers.

Bibliographie
-  PAXTON, Robert Owen. La France de Vichy (1940-1944). Seuil, 1999.
-  CARRERE, Marcel-Pierre. [document sans titre]. Service départemental de l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre du Gers, 1988.
-  ESTEBE Jean. Les Juifs à Toulouse et en midi toulousain au temps de Vichy. Presses Universitaires du Mirail, 1996.
-  GOUBET Michel. La résistance et les années noires à Toulouse en en Haute-Garonne (1940-1944). Scérén, 2004. Chapitre trois, Les mouvements de collaboration, p. 56-58


 

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