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>>Le Congo-Kinshasa (RDC) : terre riche, pays pauvre. A travers, l’exemple du nord-kivu une réflexion sur les origines du sous-développement de la RDC. Synthèse proposée à l’occasion de la venue du CCFD et de M. Kambere Sikiryamuva, animateur social en développement rural au Nord Kivu

23 septembre 2013
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Ancienne colonie belge, la République Démocratique du Congo (RDC) compte une population de plus de 70 000 000 d’habitants sur un territoire grand comme quatre fois la France. C’est aussi l’un des 48 PMA définis par l’ONU. Son IDH est de 0,389. Pourtant le sol et le sous-sol du Congo sont extrêmement riches. On y trouve du charbon, du pétrole, du gaz (méthane du lac Kivu), du cuivre (10% des réserves mondiales), du zinc, de l’étain, du manganèse, de l’argent, de l’or, du cobalt (30 à 40% des réserves mondiales), du coltan, du niobium (utilisés dans l’électronique et dans l’aéronautique) et des diamants (deuxième producteur mondial).

Comment expliquer que ce pays particulièrement gâté par la nature soit aujourd’hui l’un des plus pauvres de la planète ?

Le Nord Kivu, province du nord est du pays, est un « condensé » des problématiques propres à la RDC. Pour comprendre la situation, on peut adapter à ces deux territoires, la grille d’analyse proposée par Sylvie Brunel au sujet de l’Afrique en général. Cette dernière propose, en effet, de rechercher les causes du sous-développement imputables aux africains eux-mêmes, celles imputables à la période coloniale et celles liées à la mondialisation. Nous pourrions ainsi nous intéresser aux responsabilités belges et congolaises, sans négliger pour autant le contexte régional (région des grands lacs) et international (mondialisation). En résumé, en remontant à la période coloniale et même avant, on peut chercher, d’hier à aujourd’hui, les facteurs endogènes et exogènes du sous-développement du Congo-Kinshasa.

PMA : pays les moins avancés

IDH : Indicateur de développement humain.

I Une complexité et des difficultés héritées

a) Une diversité ethnique dont il ne faut pas exagérer l’importance.

Les composantes ethniques du peuplement congolais sont nombreuses. On compte au moins 200 ethnies. On peut cependant distinguer plusieurs grands groupes auxquels se rattachent la plupart de ces ethnies. Le groupe bantou, par exemple, représente 80 % de la population. Cette diversité est-elle à l’origine des conflits qui maintiennent la RDC dans le chaos ? Catherine Coquery-Vidrovitch considère que cet élément d’analyse est surestimé. Pour elle, « le brassage des populations » est ancien et profond. Pour elle également, les gens se revendiquent avant tout de leurs régions d’origine (du Kivu, du Katanga, du Kasaï, du Bas-Congo, etc).

b) L’héritage colonial.

Il est un autre héritage qu’il convient de prendre en compte dans l’analyse de la situation congolaise. C’est celui de la colonisation. Il faut comprendre que le Congo fut d’abord de 1885-1886 à 1908, la propriété d’un homme, le roi des Belges Léopold II. Face aux scandales liés à l’exploitation de ce territoire, ce dernier cède en 1908 à l’Etat belge la souveraineté sur le Congo. On parle alors de Congo belge. Ce sont, d’ailleurs les limites de ce territoire qui furent retenues au moment des indépendances comme frontières reconnues du Congo. Les ressources sont alors exploitées intensément. Par exemple, l’Union Minière du Haut-Katanga extrait le cuivre présent en quantité dans la province du sud-est du pays.

Les besoins de main d’œuvre, complexifient d’ailleurs le peuplement congolais à cette époque. En effet, des centaines de milliers de travailleurs hutus et tutsis sont déplacés du Ruanda-Urundi vers le Katanga sous-peuplé pour travailler dans les mines. Ces migrations de travailleurs s’observent également dans le Kivu qui nous intéresse. En effet, à partir de 1937, des familles hutus et tutsis quittent le Rwanda pour venir cultiver les sols fertiles mais sous-occupés du Kivu à l’époque. C’est l’origine de cette catégorie de population qualifiée de banyarwanda. Les banyamulenge sont plus précisément des tutsis installés dans la région dans ces circonstances.

On constate que la priorité est alors donnée à l’exploitation de produits primaires au bénéfice de la métropole. Comme les autres puissances européennes présentes en Afrique, la Belgique ne cherche pas à développer les activités de transformation sur place. Cette politique économique explique la sous-industrialisation du Congo devenu Zaïre après l’indépendance. Dans le domaine agricole, ont été développées des cultures de rente et dans une moindre mesure des cultures vivrières.

Culture de rente : culture destinée à la transformation industrielle (café, cacao).

Cultures vivrières : destinée à l’autoconsommation (riz, manioc).

Ethnie : groupe humain ayant des origines et des caractères culturels communs. Les membres de ce groupe ont souvent le sentiment d’être issus d’une souche commune.

Peuplement : expression qui désigne la répartition d’une population sur un territoire donné ainsi que les dynamiques grâce auxquelles elle augmente. Cette expression peut aussi être utilisée pour décrire les composantes de cette population.

II L’indépendance et le règne prédateur de Mobutu Sese Seko

a) La mise en place d’une dictature sur fond de guerre froide et de tentations sécessionnistes.

Le 30 juin 1960, est proclamée l’indépendance du Congo. Les hommes forts du pays sont alors le président Kasavubu et le président du conseil, Patrice Lumumba soutenu par l’Union soviétique. Le pays est confronté alors à la sécession menée par Maurice Tshonbé au katanga. La CIA pousse alors un ancien compagnon de Lumumba, Joseph-Désiré Mobutu à réaliser un coup d’état. Quelques temps plus tard, Mobutu livre Patrice Lumumba à ses ennemis Katangais qui l’assassinent en janvier 1961. Après avoir un temps rendu le pouvoir à Kasavubu, Mobutu finit par s’en emparer pour longtemps en 1965. Une nouvelle guerre a lieu au Katanga en 1977-1978, quand des rebelles soutenus par l’Angola et Cuba, pays soutenus par l’URSS, ont tenté d’envahir la province que l’on appelle désormais Shaba. Elle provoque l’intervention du Maroc puis de la France avec la bénédiction des EU ( Kolwezi).

b) La mise en coupe réglée du pays.

Assez vite Mobutu met en place un système de répression de l’opposition, d’embrigadement de la population. En 1971, il change le nom du pays qui devient le Zaïre. Il développe à son profit le culte de la personnalité et surtout il accapare les richesses du pays. A son départ en 1997, la fortune de Mobutu fut estimée entre 5 et 7 milliards de dollars, soit l’équivalent de la dette du Zaïre qu’il laisse s’accumuler. Ses grandes réalisations mégalomaniaques, ses « éléphants blancs », se révèlent être des infrastructures mal adaptées aux besoins du pays. C’est le cas du barrage Inga sur le fleuve Congo. Il fournit de l’électricité pour l’exploitation du cuivre au Katanga à plus de 1800 km de là. Mais, sous les lignes à haute tension, les congolais s’éclairent toujours à la lampe à pétrole et n’ont pas accès à l’eau potable.

c) Le Zaïre pays refuge et facteurs de déstabilisation.

En 1994 est perpétré le génocide du Rwanda. 800000 rwandais sont massacrés. Il s’agit pour la plupart de Tutis et de Hutus modérés. En juillet 1994, les rebelles tutsis (FPR de Paul Kagame) finissent cependant par s’emparer du pouvoir au Rwanda. De peur de représailles, 1,2 millions de rwandais, hutus pour la plupart, génocidaires pour certains, se réfugient au Zaïre, en particulier dans la région du Kivu. Cet afflux de population déstabilise les relations entre les zaïrois et les populations d’origine rwandaise même anciennement installées (banyarwanda). Des tensions apparaissent également entre hutus et tutsis implantés dans la région (banyamulenge). Dans ces conditions, Mobutu, dont le régime est fragilisé trouve dans la stigmatisation des banyamulenge, un moyen de ressouder son peuple autour de sa personne. En 1995, une loi assimile donc les banyamulenge à des réfugiés. En 1996, après 31 ans de dictature de Mobutu, le pays est pauvre, endetté et déstabilisé.

Génocide : assassinat, asservissement, déplacement, atteinte à l’intégrité physique, soit l’ensemble des vexations commises contre un groupe en raison de ses origines nationales, raciales, ethniques ou religieuses.

III Le pays convoité, déstabilisé et déchiré par les guerres

a) La première guerre du Zaïre entraîne la chute de Mobutu.

En 1996, les banyamulenge dont la nationalité est remise en cause par Mobutu se rebellent. Le gouvernement rwandais du tutsi Paul Kagame, le Burundi, l’Ouganda prennent le prétexte de sécuriser leurs territoires face aux troupes rebelles réfugiées dans la région du Kivu pour intervenir dans le pays dont ils convoitent les richesses. Ils fournissent alors leur aide à un rebelle zaïrois originaire du Katanga et longtemps réfugié en Tanzanie : Laurent-Désiré Kabila. C’est donc du Kivu que LD Kabila, à la tête des forces démocratiques pour la libération du Congo Zaïre (AFDL), lance sa « longue marche » contre Mobutu. Finalement, en mai 1997, le roi-léopard part se réfugier au Maroc. Même si le pays devient cette année-là RDC, LD Kabila n’instaure pas pour autant une démocratie.

b) La deuxième guerre est une guerre mondiale africaine

En 1998, LD Kabila se brouille avec ses alliés. Il limoge ses ministres tutsis et expulse les troupes rwandaises qui s’étaient installées dans l’est du pays. Une nouvelle rébellion banyamulenge éclate. C’est le début d’une véritable guerre mondiale africaine. Les forces gouvernementales de LD Kabila associées à différentes milices sont soutenues par l’Angola, la Namibie et le Zimbabwe. Tandis que les factions rebelles congolaises sont, elles, alliées au Rwanda, à l’Ouganda et au Burundi. Cette guerre dure jusqu’en 2003. Elle fait près de 3 millions de victimes. C’est le conflit le plus meurtrier depuis la seconde guerre mondiale. Des dizaines de milliers de femmes sont violées.

c) La troisième guerre est une guerre oubliée.

En 2001, LD Kabila est assassiné par son garde du corps. Il est remplacé par son fils Joseph Kabila, finalement élu démocratiquement président en 2006. Même si la nationalité congolaise des banyamulenge est réaffirmée par une loi de 2004 et par la constitution de RDC de 2006, la situation explose à nouveau en 2007 du fait du général Nkunda. Ce dernier instrumentalise la question ethnique. Lui même tutsi, il prétend que les génocidaires hutus du Rwanda réfugiés au Kivu préparent un nouveau génocide. Il est soutenu, semble-t-il, dans sa conquête du pouvoir et des régions minières par le Rwanda. De plus, depuis 2008, la population du nord-est du Congo est également terrorisée par les rebelles ougandais de l’armée de résistance du Seigneur (LRA) dirigés par Joseph Kony.

d) La RDC dans la mondialisation.

Cette situation de forte instabilité n’empêche pas des compagnies américaines, canadiennes, sud-africaines et enfin chinoises de négocier avec un Etat étranglé par le service de la dette (400 millions d’euros par an) des contrats d’exploitation des ressources. Les richesses du pays restent donc bien convoitées. Le Congo-Kinshasa participe donc à la mondialisation mais à des conditions qui ne sont pas toujours les plus avantageuses pour lui. Pendant toutes ces guerres, les produits miniers du Congo quittent en contrebande le pays tandis que dans l’autre sens arrivent des armes. Autre aspect du lien entre la mondialisation et le sous développement : la RDC a ouvert son marché à l’importation de produits agro-alimentaires. Dans ce contexte les petits producteurs de riz ou de volailles se sont retrouvés en concurrence avec des produits importés, parfois subventionnés, vendus moins cher sur le marché local. Leurs revenus s’en sont retrouvés du même coup amoindris.

Service de la dette : somme qu’un Etat doit payer chaque année pour rembourser sa dette avec intérêts.

Conclusion : Voilà pourquoi la République Démocratique du Congo, pays aux atouts naturels immenses ne peut se sortir du sous-développement. Héritier d’un système économique colonial, il ne peut lui-même mettre en valeur ses richesses. Héritier d’un vaste système de corruption et de pillage mis en place par Mobutu, il ne peut se sortir aujourd’hui du piège de la dette. Enfin, meurtri par plus de vingt ans de guerres ouvertes ou larvées, il ne peut faire son unité. Il faut dire que les pays voisins et quelques ambitieux attisent régulièrement les tensions ethniques à leurs profits.

Auteur : Manuel Nérée

Bibliographie :

Dossier, Le conflit des Grands Lacs en Afrique, La documentation françaises, 2007,http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/conflit-grands-lacs/index.shtml.

Le reportage de Jonathan Littell, l’auteur primé du Goncourt pour les Bienveillantes. http://www.lemonde.fr/afrique/infographe/2010/11/20/congo-la-guerre-oubliee-par-jonathan-littell_1441984_3212.html

TSHIYEMBE M., Kinshasa menacé par la poudrière du Kivu, Le Monde Diplomatique, décembre 2008 : http://www.monde-diplomatique.fr/2008/12/TSHIYEMBE/16594

ABADIE D., DENEAULT A. et SACHER W., Balkanisation et pillage dans l’Est congolais, Le Monde Diplomatique, décembre 2008.

MATHIEU P., Enjeux fonciers et violences en Afrique : la prévention des conflits en se servant du cas du Nord-Kivu (1940-1994), SD Dimensions, Département du Développement durable de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) : ftp://ftp.fao.org/sd/sda/sdaa/LR98_2/art-2.pdf

MOBE FANSIAMA A., Le Congo, un géant sous tutelle, Le Monde Diplomatique, janvier 2010 : http://www.monde-diplomatique.fr/2010/01/MOBE_FANSIAMA/18747

COQUERY-VIDROVITCH C., Au Congo, de la rébellion à l’insurrection, Le Monde Diplomatique, janvier 1999 : http://www.monde-diplomatique.fr/1999/01/COQUERY_VIDROVITCH/11524

BRUNEL S., L’Afrique : un continent en réserve de développement, Bréal, 2004.

DURAND P-M., Mobutu, fossoyeur du Zaïre, L’Histoire, n°319, avril 2007.


 

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