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>>Toussaint-Louverture : une biographie abrégée« En me renversant, on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l’arbre de la liberté, mais il repoussera car ses racines sont profondes et nombreuses » « [en Haïti] la négritude se mit debout pour la première fois et dit qu’elle croyait à son humanité » Aimé Césaire. On retient parfois de Toussaint-Louverture l’image du héros noir à l’origine de l’affranchissement et de l’indépendance de ses compatriotes. La réalité est-elle aussi simple ? Quels sont les paradoxes du personnage et de son parcours ? Toussaint-Louverture est-il simplement le guide charismatique d’une libération nationale ou avant tout le promoteur d’intérêts particuliers bien pensés ? Quel portrait (au propre et au figuré) faut-il retenir de Toussaint-Louverture ?
I Comprendre les origines de Toussaint Bréda pour comprendre la société de Saint Domingue. a) Les origines de Toussaint Bréda. Toussaint Bréda nait en 1743 au Haut-du-Cap. Il y est esclave comme ses parents. Mais contrairement à ces derniers qui sont nés en Afrique et qui furent déportés dans le cadre de la traite négrière, c’est un créole et non un bossale, selon la terminologie coloniale de l’époque. Ils sont à l’époque près de 450 000 esclaves à travailler dans les plantations de l’île à sucre soumis aux rigueurs du Code noir (1685). b) Toussaint Bréda dans la société de Saint-Domingue Entre 1772 (Donnadieu) et 1776 (Gainot), Toussaint Bréda est affranchi. Deux hommes peuvent lui avoir accordé sa liberté : Pantaléon de Bréda, propriétaire de la plantation ou Bayon de Libertat qui gérait pour lui les habitations des Manquets et de Bréda. Sur cette question, le doute subsiste (Donnadieu). Toussaint est donc un noir libre. Il ne fait pas figure d’exception dans la société coloniale de Saint Domingue. Les libres de couleurs, terme qui désigne aussi bien des noirs que des mulâtres, sont alors environ 26000 sur l’île. Ces libres de couleurs possèdent des exploitations et même des esclaves. Ainsi, Toussaint Bréda eu-t-il au moins treize esclaves. En 1789, les affranchis possèdent le quart des exploitations et le tiers des esclaves de l’île. Ils sont relativement prospères mais les règlements coloniaux ne leur donnent cependant pas l’égalité des droits. Au total, les esclaves, les métis et les affranchis représentent à la fin du XVIIIe siècle 90% de la population de l’île. En 1789, au moment où éclate la révolution française, la société de Saint-Domingue est une société esclavagiste où se distinguent trois groupes : Les esclaves, les libres de couleurs et les colons blancs. Le labeur des esclaves permet aux colons et au libres de couleur de prospérer. La prospérité de Saint Domingue dépasse alors celle de toutes les colonies françaises du royaume. C’est le joyau de la Couronne, la « perle des Antilles » et par le système de l’exclusif, sa richesse profite avant tout à la France. II Toussaint-Louverture, chefs des hommes de couleur dans un contexte révolutionnaire. a) Une révolution blanche et des intérêts divergents Pour commencer, les représentants des colonies ne sont pas concernés par la convocation des états généraux en 1789. Ils s’imposent cependant et sont présents dans l’assemblée en 1789, après le serment du jeu de Paume. L’Assemblée constituante tarde également à satisfaire les aspirations des libres de couleurs qui veulent l’égalité des droits, des colons qui souhaitent la fin de l’exclusif et elle n’abolit pas l’esclavage. Finalement, certains colons font le choix de la sécession. Ainsi le 28 mai 1790, l’assemblée coloniale de St-Marc vote la constitution de la partie française de St-Domingue avec transfert du pouvoir législatif à un parlement colonial. D’autres colons restent fidèles à la métropole. Les intérêts des différentes catégories de la population sont donc clairement divergents. b) Le tournant de 1791, le jeu des alliances « Frères et amis, je suis Toussaint-Louverture. Mon nom s’est peut-être fait connaître jusqu’à vous. J’ai entrepris la vengeance. Je veux que la liberté et l’égalité règnent à Saint Domingue. Je travaille à les faire exister. Unissez-vous à nous, frères combattez avec nous pour la même cause » Toussaint Breda Les groupes sont donc amenés à s’affronter. Après la « cérémonie du bois Caïman », le 22-23 août débute une violente révolte d’esclaves dans le nord de l’île. Ils sont rejoints par un certain nombre de libres de couleur et Toussaint-Louverture s’impose comme l’un de leurs chefs. Même si l’Assemblée législative accorde l’égalité des droits aux libres de couleurs en avril 1792, dans un contexte où l’île est convoitée par les deux puissances maritimes ennemies de la France, Toussaint Louverture prend la décision en juillet 1793 de se mettre au service de l’Espagne. Les commissaires civils envoyés par l’Assemblée législative, Sonthonax et Porverel, décident alors d’abolir l’esclavage dans l’île en aout septembre 1793. Toussaint-Louverture finit par rallier la France en mai 1794 avant même que le décret officiel de l’abolition de l’esclavage par la Convention datant du 4 février 1794 n’arrive à Saint Domingue, le 8 juin 1794.Il devient alors colonel de l’armée française. III Toussaint-Louverture prend ses distances vis-à-vis de la métropole. a) L’ascension de Toussaint-Louverture, une révolution raciale et non sociale. « Le véritable esprit égalitaire ne cherche pas à n’avoir point de maître mais à n’avoir que ses égaux pour maîtres » Montesquieu, L’esprit des Lois. « Toussaint Louverture : un révolutionnaire noir d’ancien régime » Pierre Pluchon. L’ascension de Toussaint Louverture dans la hiérarchie militaire est fulgurante. En juillet 1795, il devient général de brigade. En 1796, il est général de division. Sur le plan politique, il élimine progressivement tous ceux qui peuvent réduire son influence : les représentants du directoire (Laveaux en 1796 puis Hédouville en 1798), le général mulâtre Rigaud, chef de la partie Sud de l’île en 1800. Par ailleurs, il assoit sa situation économique. Il ne détruit pas le système de plantation. En 1797, il prend même en fermage l’habitation des Manquets qui appartenait aux Noé. En 1800, il établit un règlement de culture qui oblige par un strict encadrement et moyennant salaire, les anciens esclaves à rester cultiver les terres. Finalement, Toussaint Louverture rétablit d’une certaine façon l’ordre ancien. b) Vers l’indépendance. Enfin, il s’émancipe progressivement de la métropole. Même s’il refuse en 1798, le titre de Roi d’Haïti proposé par les Anglais pour inscrire l’île dans leur aire d’influence. Il devient en 1801 gouverneur à vie avec droit de désigner son successeur et établit une constitution autonomiste. Il rentre donc en conflit avec l’homme fort du moment en France, le premier consul Napoléon Bonaparte. Celui-ci, qui tient aux ressources de l’île, envoie donc une expédition commandée par son beau-frère le général Leclerc pour rétablir l’ordre et rétablit l’esclavage en mai 1802. Piégé par le général Brunet, Toussaint-Louverture est capturé et déporté en France. Il meurt le 7 avril 1803 d’une infection pulmonaire au fort de Joux dans le Jura où il était emprisonné. Il ne voit donc pas l’indépendance d’Haïti, proclamée en le premier janvier 1804 par le général Dessalines, vainqueur des troupes Bonapartistes. Conclusion : Finalement, la conduite de Toussaint-Louverture est dictée par les intérêts d’une catégorie de propriétaires de couleurs désireux d’obtenir l’égalité des droits, capables de s’associer tour à tour aux esclaves et aux espagnols face aux aspirations sécessionnistes des colons blancs. C’est finalement la stratégie de ces derniers qu’il adopte lorsque, pour satisfaire ses intérêts, il s’éloigne de la métropole après avoir rétabli l’ordre social ancien. Auteur : Manuel Nérée Bibliographie : DONNADIEU JL., Un grand seigneur et ses esclaves, le comte de Noé entre Antilles et Gascogne 1728-1816, Tempus, PUM, Toulouse, 2009 CESAIRE A., Toussaint Louverture, La révolution française et le problème colonial, Présence Africaine, Paris, 1981, réed. de 1961. DORIGNY M., Révoltes et Révolutions en Europe et aux Amériques (1773-1802),Capes-Agrégation, Belin Sup Histoire, Paris 2004. CALVET R., Révoltes et Révolutions en Europe et aux Amériques (1773-1802), Collection U., Armand Colin, Paris , 2004. JENSENNE JP., Histoire de la France : Révolution et Empire, Carré Histoire, Hachette supérieur, Paris, 1993. COURTES G. ( sd.), Le Gers, Dictionnaire biographique de l’Antiquité à nos jours, Société Archéologique du Gers, Toulouse , 1999. |