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>>Journal de projet 6 : La séquence 21 : une métaphore du théâtre et de la vie

25 novembre 2014
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La séquence se situe à la fin du film, au bout d’une heure vingt sept. Hitler arrive alors au théâtre. A propos de son art, Lubitsch disait : « Ma théorie de base est que l’être humain le plus digne est ridicule au moins deux fois par jour ». Or, tout est fait dans la mise en scène pour mettre Hitler dans cette situation. De l’extérieur à l’intérieur du théâtre, de bas en haut, le déplacement chorégraphié crée un effet d’attente. Le nombre des soldats, la virulence, la répétition mécanique de leur salut et l’absence à l’image de l’intéressé laissent imaginer un hôte imposant au charisme et à l’autorité incontestables. Quand, comme un seul homme les SS se lèvent de leur siège et tournent leurs regards depuis le parterre vers le balcon comme si c’était- là que se jouait le drame, Lubitsch ne donne à voir que le dos et la nuque d’un petit homme : beaucoup de bruit pour rien. Comme Chaplin et tous les cinéastes qui, avant lui, ont eu recours au burlesque, Lubitsch pratique le contraste. Il pratique aussi le comique de répétition. On voit Hitler levant le bras sans mot dire comme répétant le « Heil moi-même » prononcé plus tôt dans le film. Tout à son « importance », à sa prétendue « grandeur », tournant le dos au vrai public, le dictateur n’a pas conscience d’être ridicule. Alors débute le Deutschlandlied. Hitler n’incarne-t-il pas la nation ? La Nation n’est-elle pas la valeur suprême dans le nazisme ? C’est l’interprétation qu’on peut donner ici de ce chant. Scandé d’une seule voix, il traverse les cloisons. Il est même perceptible sur l’autre scène, celle où se joue la deuxième partie de la séquence.... Mais le monstre aurait-il don d’ubiquité ? Hitler est là, à nouveau, parcourant le promenoir du théâtre avec sa garde rapprochée. Il s’agit en fait de la troupe du théâtre qui cherche à s’échapper. Elle joue sa vie ici et pour cela elle pratique le travestissement et l’illusion. Cette tentative collective de se sauver mobilise toutes les individualités. En effet, surgit des toilettes pour dames, Greenberg le comédien jusqu’alors cantonné aux rôles secondaires et subalternes. il a là l’occasion unique de jouer la scène de sa vie comme annoncée à plusieurs reprises dans le film. Il entame donc une longue tirade qui contraste avec la brièveté gutturale des saluts nazis. Il s’agit du monologue prononcé par Shylock dans le Marchand de Venise de Shakespeare et là, sans nommer explicitement les juifs, il entame un émouvant plaidoyer pour l’égalité des hommes. C’est le faux pour dire le vrai mais il est bien vil, le petit Greenberg qui s’autorise à dire au dictateur ces vérités là. C’est le bouffon, celui qui, autrefois, était le seul autorisé à faire rire au dépend du seigneur (ridendus-risée). Le faux Hitler joué par un comparse se montre touché. L’intrusion de Greenberg dans le promenoir crée une situation de pseudo-danger dont la troupe profite pour sortir du théâtre en arguant de la sécurité du dictateur. Dans cette séquence se pose donc toute la question de l’être et du non être. (To be or not to be). Il s’agit de démêler le vrai du faux. Le sérieux de la farce. Il s’agit également de rappeler ce qui rend digne d’être un homme (Si c’est un homme) : l’humanité plutôt que la race. Pour finir, ces quelques minutes où on voit le totalitarisme se mettre en scène dans un théâtre tandis que le répertoire classique sert à sauver un groupe d’artistes, ces quelques minutes donc, éclairent d’une lumière particulière le thème de notre étude : la culture e[s]t le pouvoir.

 

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